jeudi 28 mai 2015

La première bataille aérienne : Verdun

                                             Christian BRUN                                              
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Lorsque le canon de Verdun retentit le 21 février 1916, les méthodes et les règlements dans l’aviation française avaient profondément évolué. Le personnel était mieux préparé et mieux instruit et les mécaniques beaucoup plus perfectionnées. Verdun allait être la bataille défensive par excellence avec tous ses imprévus et tous ses retournements de situation.

L'aviation à Verdun
Dessin de Jean Lefort

Hygiène du pilote

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France
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Extrait de l’Agenda de l’Aviateur de 1917-1918
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Maurice PERCHERON
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Cet article est tiré d’un fascicule publié en 1917-1918 sous la direction de Maurice Percheron, ingénieur. Il a été donné à tous les pilotes d’avions afin de leur rappeler les informations essentielles portant sur le pilotage, les règles d’hygiène, le voyage, les prévisions du temps et les formalités administratives. Nous présentons ici le chapitre 2 portant sur l’hygiène du pilote. Les recommandations pratiques émises, en particulier celles concernant les chaussures trop larges, les chaussons fourrés, la paire de moufles avec le pouce indépendant, le passe-montagne en laine très fine, la ceinture de flanelle, la plaquette de chocolat et le petit flacon d’alcool, montrent que l’aviation, malgré 3 ans de guerre, n’en est vraiment qu’à ses débuts.

Nous comprenons sous le titre d’hygiène toutes les précautions personnelles que le pilote doit prendre au sujet du froid, de sa nourriture, etc.
Pour accomplir des vols de durée, on devra chaudement se vêtir, surtout les extrémités et plus particulièrement les pieds. On arrive facilement à se protéger les mains qui, munies de gants, entreront dans des manchons fixés à demeure sur le levier de commande. Il n’en est pas de même des jambes qui doivent être dégagées afin de commander facilement le palonnier. Il faut donc, dès qu’on aborde les hautes altitudes ou la saison froide, se vêtir d’un pantalon chaud et introduire ses pieds dans des chaussures trop larges en portant de nombreuses paires de chaussettes (deux ou trois), avec, autant que possible, une paire en papier. Il faut donc rejeter complètement les hautes bottes lacées et les chaussures fines, des chaussons fourrés seront tout à fait indiqués pour éviter la morsure du froid. Les gants devront être également assez amples et ne pas risquer de serrer les doigts : les chairs gonflent en effet sous l’effet du froid et la circulation pouvant s’arrêter par compression, si les ajustements sont trop justes, la gelure peut survenir. Nous conseillons, de préférence aux gants, si chauds et si fourrés soient-ils, une paire de moufles avec le pouce indépendant : la préhension est parfaitement suffisante et la chaleur se conserve bien mieux.

Capitaine Bordage en 1913
Source gallica.bnf.fr

jeudi 21 mai 2015

L’aviation en guerre de l’automne 1914 à l’automne 1915. Création des spécialités et naissances des identités

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Après la bataille de la Marne, le général Joffre comprend toute la nécessité d’utiliser l’aviation à des fins tactiques et stratégiques. Ainsi, il va faire appel à une personnalité reconnue dans le monde de l’aéronautique militaire : le commandant Barès. Il va lui confier la direction du service aéronautique du Grand Quartier Général afin de le structurer et de définir les missions et donc les spécialités.
Le commandant Barès, qui a commandé les escadrilles de la IVème Armée au tout début du conflit, a parfaitement pressenti le rôle primordial que l’aviation pouvait jouer. Il organise donc la reconnaissance des objectifs afin de régler les tirs d’artillerie, l’observation afin d’assurer la couverture photographique du terrain et de « maîtriser » le champ de bataille, le bombardement dans un but tactique (attaque des troupes à la bombe) et stratégique (toucher en profondeur les points sensibles ennemis). Il pense également à la chasse des avions afin de protéger les différentes missions prévues et d’interdire le survol des lignes et troupes amies par les avions allemands. Il va confier cette tâche à un pilote expérimenté et connu avant-guerre pour ses exploits aéronautiques : Jules Védrines.

Jules Védrines en 1916
Source gallica.bnf.fr

Choix des élèves-pilotes

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Considérations sur la
Conduite des Aéroplanes
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Par
P. CLAVENAD
Officier aviateur
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1911
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L’article ci-dessous a été tiré d’un fascicule écrit en 1911 par P. Clavenad, lieutenant au 8e Chasseurs à pied et Officier aviateur. Il est intéressant car il est probablement un des tout premiers traités psychotechniques portant sur la sélection (choix) des élèves-pilotes au début du XXe siècle. En effet, il aborde le problème des appréciations hiérarchiques quant à l’aptitude au pilotage des candidats et propose que le choix des individus doit être laissé à l’appréciation « professionnelle » des chefs qui sont les plus à même de juger des aptitudes des subordonnés.
Il souligne également que la pratique automobile peut être un atout dans la prise de décision et la rapidité d’exécution, mais il estime que cette constatation peut s’appliquer à la pratique suivie et réussie de tout sport. En revanche, il pense que l’étude approfondie des moteurs, des lois scientifiques en général et des notions mécaniques en particulier, sont des disciplines secondaires dans le cursus pédagogique des élèves-pilotes. Pour Clavenad, les cours théoriques ne sont donc pas indispensables, l’objectif essentiel est de leur apprendre à voler.
Le texte nous apporte également quelques informations intéressantes sur la différence entre les aptitudes et les connaissances, sur l’origine des premiers pilotes et sur les connaissances médicales de l’époque en ce qui concerne la prise de décision et la vitesse d’exécution.

Lorsque quelqu’un parle de son désir de faire de l’aviation et de devenir pilote d’aéroplanes, il se voit tout d’abord poser par tous cette question : Avez-vous fait de l’automobile ?
Il semble donc que la pratique de ce sport soit absolument nécessaire à tout candidat pilote, et il est intéressant de se demander, au point de vue de l’instruction à donner aux futurs aviateurs, s’il y a lieu de leur faire suivre d’abord des cours théoriques et pratiques d’automobilisme.
Il y a seulement quelques mois, ces préliminaires semblaient indispensables, car il n’existait aucun exemple d’aviateur n’ayant pas conduit de grosses voitures.

Capitaine Clavenad en 1912
Source gallica.bnf.fr

mardi 12 mai 2015

L’aviation dans la Grande Guerre. La guerre de mouvement : août à décembre 1914

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

La mobilisation de 1914 trouve une France dotée d’une aviation certes brillante, d’un point de vue sportif, mais peu significative d’un point de vue quantitatif (l’aviation ne représente que 0,5% des effectifs mobilisés). Les pilotes, ou plus exactement, les « aventuriers du ciel », « les pionniers de l’aviation », sont des hommes remarquables qui, les premiers, se sont élancés à la conquête de l’air et qui, sans se laisser ébranler par un impressionnant tribut de sacrifices, ont magnifiquement atteint leur but. C’est entre autres, Roland Garros, Brindejonc des Moulinais, Pégoud, Védrines, de Rose, Ménard, Bellanger, tous ces aviateurs qui se sont illustrés dans les meetings, les différentes épreuves et circuits d’avant-guerre et qui ont fait connaître et reconnaître cette aviation naissante. La France est alors sous le charme, cette France qui en attendant la Revanche se passionne pour les sports mécaniques en tout genre où l’homme domine la machine, comme le tour de France, les courses automobiles ou de motocyclettes et, bien évidemment, les épreuves internationales où s’illustrent les aéroplanes de tous les futurs pays belligérants.

Il faut penser au mécanicien

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Cet article paru dans le numéro 32 du journal Les Ailes en date du jeudi 26 janvier 1922, est un hommage aux mécaniciens souvent considérés comme des personnages de l’ombre. La presse spécialisée comme L’Illustration, La vie au grand air ou encore La Guerre aérienne illustrée, a mis en avant, pendant tout le conflit, le pilote et en particulier le chasseur. Il n’y avait donc pas de place pour le mécanicien qui est resté dans l’anonymat durant toute la guerre. Les quelques représentations sont toujours très connotées. En effet le mécanicien, palefrenier des temps modernes, est souvent dépeint comme le spécialiste qui attend son « maître » désespérément sur le terrain en scrutant le ciel ou qui pleure sa disparition au fond du hangar sachant qu’il ne rentrera pas. Il sera donc le serviteur, le « garçon d’écurie », discret et attentionné.
Il faut attendre la fin de la Grande Guerre pour que les journalistes parlent de tous les spécialistes. Ainsi, les chroniqueurs écrivent, dans un premier temps, sur l’aviation de bombardement et de reconnaissance, aviations invisibles que les publicistes ont délibérément oubliées. Ensuite, et ceci grâce à un contexte professionnel plus favorable (raids, records, meetings, créations des premières lignes aériennes, …), ces chroniqueurs vont s’intéresser aux spécialistes de l’ombre, aux techniciens, aux mécaniciens, aux rampants.
La démarche est noble et juste. Cependant, sans tomber dans l’anachronisme, il est intéressant de remarquer qu’il est difficile de se défaire de certaines idées et de certaines représentations. Ainsi, dans les quelques lignes qui sont proposées ci-dessous, certains qualificatifs, certains termes rappellent l’ordre hiérarchique qu’il ne faut surtout pas bousculer. Georges Houard parle de personnages obscurs, d’humbles ouvriers, de serviteurs modestes et dévoués, de spécialistes dont la confiance envers le pilote auquel ils sont attachés est touchante. Cet article, ne représente donc que le début d’une reconnaissance médiatique. Tout au long du XXème siècle, le temps va faire son œuvre et permettre aux mécaniciens d’acquérir définitivement un respect mérité et authentique.       

Le Vieux Charles
Olivier Montagnier

vendredi 8 mai 2015

Le roman historique : mythe ou réalité ? L’exemple du livre de Henry Bordeaux : La vie héroïque de Guynemer

Camille BRUN et Christian BRUN

Henry Bordeaux, académicien, écrivain reconnu, oeuvre dans l’aviation durant le premier conflit mondial en tant qu’officier d’état-major. Ses écrits, dits historiques, portent en particulier sur la vie des héros et la figure des chefs. Son style est souvent emphatique et très classique. La plupart de ses œuvres sont destinées à la jeunesse. Il est nécessaire de souligner que Bordeaux a des convictions conservatrices et royalistes que l’on retrouve en particulier dans sa façon d’utiliser l’histoire. Il est à souligner qu’Henry Bordeaux est probablement l’auteur le plus lu au début du XXème siècle et fut un des romanciers les plus populaires.
Ses œuvres historiques se réfèrent constamment aux héros grecs, à l’épopée de Charlemagne et en particulier à Roland, mais également aux héros bâtisseurs et sauveurs de l’histoire de France et bien évidemment aux généraux d’Empire. Il fait donc appel aux héros romantiques, aux enfants soldats, aux héros gardiens et protecteurs. Il écrit en pleine période de propagande, et de censure, ce qui explique que Jean-Norton Cru puisse épingler Bordeaux comme un « demi-publiciste de propagande » qui défigure la guerre puisque n’étant pas un témoin direct. En effet, la guerre aérienne n’a pas été couverte par les journalistes. De plus on peut penser que ses écrits correspondent à une commande, et probablement à celle du père de Georges Guynemer, d’où cette complaisance, cette emphase.
Le "Vieux Charles" en  vol

La mission trans-africaine Paris-Lac Tchad (1925)

Guillaume MULLER
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

L’entre-deux-guerres a été une période cruciale pour l’aéronautique en termes de progrès. Ayant obtenu ses lettres de noblesse pendant la Première Guerre mondiale, elle a rythmé le quotidien des années 1920 et 1930. C’est la période des grands exploits aéronautiques. Si celui de Lindbergh est incontestablement celui qui a eu le rayonnement le plus important, d’autres méritent de sortir de l’oubli, qu’ils soient l’œuvre de civils ou de militaires.
Oui, de militaires aussi, dont la grande majorité est issue des escadrilles de la Grande Guerre. Ces derniers participent activement aux raids aéronautiques qui permettent de « défricher les lignes aériennes » et de finaliser la conquête du globe. C’est en effet dans les colonies que l’aéronautique militaire française trouve ses uniques théâtres d’engagement de l’entre-deux-guerres. Engagement coercitif (pacification au Maroc et au Levant) ou plus économique et politique, avec notamment les différents raids et missions d’études.
La mission que nous souhaitons mettre à l’honneur ici est la mission d’études commandée par le colonel de Goys, « père » de l’aviation de bombardement française pendant la guerre. Son objectif était de relier Paris au Lac Tchad par voie aérienne. Débutée le 18 janvier 1925, elle s’achève tragiquement à Niamey le 10 février. Malgré une fin brutale, elle représente un exemple particulièrement intéressant des raids de la période.

Pelletier Doisy, le général Gouraud, Dagnaux, de Goys et Vuillemin devant le Jean Casale à Buc

vendredi 1 mai 2015

Du mythe à la réalité : Les héros de l’aviation durant la Première Guerre mondiale

Camille BRUN et Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Les débuts du 20e siècle sont marqués par l’essor de la culture physique en général et des sports mécaniques en particulier. En effet, un homme nouveau va naître, un homme sportif qui va dompter la force mécanique symbolisée par la machine. C’est dans ce contexte que l’aviation va voir le jour. Le monde se passionne alors pour les meetings et les exploits, les traversées et les records. Les journalistes, troubadours des temps modernes, vont conter ces aventures à travers une littérature et une presse spécialisées qui doivent faire rêver et doivent encenser les nouveaux champions à l’aide de descriptions fortes, de photographies et de tableaux épiques. L’heure est à la solitude héroïque.

En hommage à mon grand-père et à mon grand-oncle
Aquarelle de Tiennick Kérével
Peintre de l'Air
www.kerevel.com/oeuvres.html

La Cité de l’Air est édifiée

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Dans le numéro 397 du mois d'Avril 2015 de la revue Armées d'aujourd'hui, en page 42, on peuty lire un dossier ayant pour titre : Balard vous ouvre ses portes. Ce dossier, met en avant les avantages liés au regroupement des états-majors, directions et services centraux à Balard, baptisé l'Hexagone. On y parle notamment des répercussions positives sur les prises de décisions, sur la conduite opérationnelle et sur les conditions de travail du personnel. On souligne, en particulier, la création de crèches, du restaurant, d'une salle de sport et d'une piscine.
81 ans auparavant, dans le n° 656 du 11 janvier 1934 de la revue Les Ailes, on pouvait lire un article intitulé : La Cité de l'Air est édifiée. Cet article vantait également les avantages du regroupement des différents Services de l'Aéronautique en mettant en exergue les mêmes répercussions sur la rationalisation des opérations, l'optimisation des démarches décisionnelles et sur l'amélioration des conditions de vie du personnel (crèche, lieux de détente, restaurant, terrain de sport).
Il est donc intéressant de souligner la similitude de ces deux articles pourtant si éloignés dans le temps. En revanche, si en 1934 le site va accueillir le Ministère de l'Air, en 2015 il est prévu pour être le siège du Ministère de la Défense.

Le Ministère de l'Air